Une abbatiale consacrée à Saint-Savin-et-Saint-Cyprien est documentée sur les rives de la Gartempe dès le début du IXe siècle, lorsque le monastère fut reconstruit par Dodon Ier (823-853). L’église actuellement visible date toutefois de 1040-1060 et constitue la seule partie romane du complexe monastique à avoir été préservée des destructions causées par les guerres de Cent Ans et de Religion. Classée au Patrimoine mondial UNESCO en 1983 et réputée pour ses fresques romanes, elle conserve également des figurations héraldiques qui présentent une valeur documentaire non négligeable et offrent des repères chronologiques pour les peintures réalisées à l’époque gothique (Landry-Delcroix 2012, p. 287-288).
Vierge à l’Enfant avec deux saints et consoles armoriées. Saiint-Savin-sur-Gartempe, église abbatiale Saint-Savin-et-Saint-Cyprien, mur pignon.
Outre que sur la bande faitière de la nef, des écussons armoriés ornaient deux consoles encastrées en encorbellement au revers de façade de l’église, de part et d’autre de la niche contenant une peinture à la Vierge à l’Enfant accompagnée par deux saints, datée du XIIe (La vallée des fresques 2011) ou du XIIIe siècle (Mérimée 1845, p. 41, 95). Surmontées par une tablette aux bords moulurés, ces consoles servait probablement de soutien pour des bougies offertes à l’image sacrée. Si cette peinture a retenu l’intérêt de quelques chercheurs – elle apparaît dans la planche qui sert de frontispice au célèbre volume de Prosper Mérimée sur l’abbaye et ses peintures romanes (Mérimée 1845, pl. avant 1), seul Robert Thibout signale la présence des ces deux armoiries, pourtant bien mises en évidence par une ligne rouge de contour. Thibout pensait y reconnaître l’armoirie des D’Allemagne et celle au lion issant représentée également dans l’église Saint-Hilaire de Nalliers, qu’il voyait aussi parmi les écussons peints sur la voûte de la nef (Thibout 1945, p. 210 note 5).
Cependant, à la lumière de nouvelles observations, cette identification doit être révisée. Même si la face armoriée des deux consoles a été buchée, probablement à la Révolution, on y décèle encore la forme et les couleurs originelle des armoiries. À gauche de la Vierge à l’Enfant(armoirie 1) on distingue une armoirie de gueules à la quintefeuille ;à droite (armoirie 2),une armoirie avec trois fasces de gueules. Elles semblent correspondre, respectivement, à l’armoirie de gueules à la quintefeuille d’argent et à celle fascée d’argent et de sable (ou de gueules ?), qui furent peintes sur la bande faîtière de la voûte à l’occasion de la première campagne de restauration. Encore anonymes, les deux écussons permettent toutefois par leur forme de dater cette intervention au plus tard vers le milieu du XVe siècle. De même, ils documentent que la réfection de la décoration peinte de la voûte pris place dans un chantier probablement de plus grande envergure, financé par les mêmes personnages.
P. Mérimée, Notice sur les peintures de Saint-Savin-sur-Gartempe, Paris 1845
R. Thibout, « À propos de la bande faîtière qui décore la nef de l’église de Saint-Savin », dans Bulletin monumental, 108, 1945, p. 201-211.
La Vallée des fresques de Saint-Savin à Montmorillon, par M. Angheben, R. Favreau, C. Landry-Delcroix, Y.-J. Riou, sous la dir. de R. Favreau, Association Gilbert de la Porrée, Poitiers 2011.
C. Landry-Delcroix, La peinture murale gothique en Poitou, XIIIe-XVe siècle, Rennes 2012.